En dépit du temps passé, plus d'un mois, depuis la victoire du PJD aux premières élections sous la nouvelle Constitution elle-même résultant du mouvement de protestation du 20 février, les faits et gestes des islamistes continuent de retenir l'attention ça et là, suscitant parfois même la stupéfaction. Et si les discussions entre Marocains avaient encore besoin de sujets pour les alimenter, tout indique que les ministres du PJD remplissent parfaitement cette fonction et créent l'évènement au sujet duquel les avis divergent sur le fonds, tout en étant unanimes à considérer son importance et son attractivité.
 	Cette semaine, deux confrères, au moins, ont déclaré que le chef du  gouvernement les avait personnellement contactés. Le premier est Younès  Meskine, du quotidien "Akhbar Alyoum", qui a consacré une pleine chronique en Une du journal de Taoufik Bouachrine, dans laquelle il explique : "Il  est 23 heures, en cette journée de nomination  du gouvernement  Benkirane ; le téléphone sonne… Je réponds : oui, Bonsoir… Ici Abdelilah  Benkirane". Surprise… Meskine poursuit :" Benkirane marque  alors un temps, puis me demande : pourquoi dis-tu le chef du  gouvernement ? Qui est le chef du gouvernement ? C'est Abdelilah  Benkirane, et c'est lui-même qui te parle en cet instant, il n'a pas  changé, et rien n'a changé ; tu peux continuer de m'appeler comme tu le  faisais avant".
  	Le confrère Mokhtar Ghzioui, d'al Ahdath al Maghribiya, à son tour, a  décidé de rendre publique la communication téléphonique qu'il a reçue du  chef du gouvernement Benkirane, en écrivant dans sa chronique  quotidienne du journal de Si Mohamed Brini : "Lorsque j'ai reconnu  sa voix au téléphone, lundi dernier, et qu'il m'a entretenu d'un sujet  qui avait été publié dans le numéro du même jour, j'ai compris que  désormais, nous avions un chef du gouvernement qui sait parfaitement la  portée de ce qui s'écrit dans la presse de son pays, et qu'il sait  aussi, à travers quelques gestes symboliques qui ne nécessitent que  quelques secondes et autant de centimes, transmettre un message, le  message que nous attendions tous, et qui est que ce que nous écrivons ne  se disperse pas aux quatre vents, mais que, au contraire, il arrive à  ses destinataires. Et c'est exactement ce que nous voulions".
    	Et il est absolument certain que ce type de communications directes de  Benkirane ou de ses ministres avec la presse sont beaucoup plus  nombreuses, même si elles n'ont pas tous été dévoilées à l'opinion  publique.
  	Ce changement, qui n'a pas encore été vraiment assimilé par des  confrères persuadés des décennies durant que leurs paroles partaient  dans les limbes, vient simultanément avec d'autres comportements  ministériels inédits. Ainsi donc, cette image du chef du gouvernement  plongé dans sa prière rogatoire, agenouillé dans les rangs arrière sur  une simple natte avec ses chaussures à bon marché posées près de lui ;  ainsi donc, aussi, cette décision, quasi- officielle, des ministres PJD,  portant sur la non utilisation de leurs véhicules officiels pour leurs  besoins personnels, des véhicules officiels qui ne seront naturellement  pas de la même cylindrée que ceux de leurs prédécesseurs. Le ministre de  la Communication, porte-parole du gouvernement, continue d'emprunter le  train entre les deux capitales, administrative et économique, à  l'instar de son collègue de la Justice et des libertés, Mustapha Ramid,  qui habite à Casablanca et travaille désormais à Rabat. Et la liste  n'est pas exhaustive, comme par exemple, encore, le fait pour les  ministres PJD de ne pas déménager de leurs humbles logements pour aller  dans les villas de fonctions dont ils disposent désormais et qui, à  travers tous ces gestes, souhaitent modifier l'image du ministre auprès  de l'opinion publique marocaine. Y ont-ils réussi ?
  	Pas nécessairement, car toutes ces initiatives n'ont pas toujours été  favorablement accueillies, et les principaux concernés ont eux-mêmes été  meurtris par les réactions négatives, justifiant cette saillie de leur  quotidien Attajdid du 9 janvier :
  	"Ce ne sont pas moins de cinq journaux qui, hier lundi, ont œuvré à  réduire la portée de la symbolique du comportement des ministres PJD  dans leur relation avec les citoyens et les fonctionnaires de leurs  administrations.
  	Le plus étrange n'est pas la critique de l'attitude des ministres  en elle-même, mais la simultanéité des éditoriaux concernés et des  positions des journaux. Le plus étonnant, également, c'est de voir  réduite la portée de ces gestes, réduite la volonté de n'utiliser les  véhicules officiels qu'avec parcimonie, réduite la portée d'adopter une  politique de proximité avec les populations et d'abandonner à l'inverse  un comportement hautain avec les mêmes populations, réduite la  symbolique de "prier sur une simple natte en compagnie de gens  ordinaires", réduit l'intérêt pour les petits fonctionnaires... Ce qui  est demandé, en revanche, c'est d'"entreprendre des efforts de  réflexion", avant même la présentation du programme gouvernemental, pour  affronter les grands problèmes que connaît le Maroc...
  	La simultanéité du traitement médiatique et la convergence des  messages négatifs distillés à travers cette couverture suscite en effet  plus d'une interrogation, comme savoir qui sont les perdants de cette  politique inaugurée par les ministres PJD, auxquels cette couverture  apporte, volontairement ou pas, un certain crédit..." (voir panoramaroc.ma).
    	L'un des bienfaits principaux de ces changements dans les comportements  est qu'ils arrivent à intéresser la population à la politique et aux  politiciens, et qu'ils donnent une autre saveur au fait ministériel,  rapprochant d'autant le Marocain moyen du responsable qui, de tous  temps, a été imposant et hautain. Quant à l'impact de ces gestes sur les  grands problèmes que connaît le Maroc, il est insignifiant en raison du  fait qu'une trentaine de villas aussi cossues soient-elles, et autant  de véhicules, quelles que soient leurs cylindrées, ne peuvent vaincre le  fléau du chômage ni triompher du gouffre de la Compensation. Par  exemples…
  	Si nous devions, maintenant, couper la poire en deux, nous dirions aux  ministres PJD qu'ils doivent préserver le prestige de leurs fonctions,  en prenant seulement garde à ne pas verser dans l'excès et le  gaspillage, comme cela a été le fait du non regretté Moncef Belkhayat.  Mais si le ministre se met au rang du "troufion", il ne  réussira qu'à tuer toute ambition dans l'esprit du fonctionnaire qui  renoncera même à déployer les efforts nécessaires pour accéder à la tête  de sa division s'il voit que même le ministre évolue dans une situation  matérielle pareille à la sienne. Etre ministre est en effet une  consécration, mais aussi un fardeau, ainsi qu'une attente pour des  millions de Marocains, et cette peine, comme toute peine, mérite  salaire.
  	 Globalement, nous pouvons dire que nous sommes au seuil d'un Maroc  nouveau, et dans l'attente de résultats d'un genre nouveau. Que Dieu  soit à l'écoute et apporte son aide à tous et à chacun.
Al Ayam, par Noureddine Miftah
 Al Ayam, par Noureddine Miftah
 
 
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